« Il
était une fois une ortie qui poussait dans un jardin.
Triste
était l’ortie quand elle s’éveillait le matin.
Triste
était l’ortie quand elle déployait ses feuilles ciselées.
Triste
était l’ortie quand elle ouvrait ses petites fleurs blanches après y avoir
versé une goutte de parfum délicat.
Triste
était l’ortie qu’aucune main ne flattait jamais, qu’aucun vent, aucune pluie
n’avait jamais nommée amie. »
Le
rosier se tait et les deux fourmis essuient une larme.
—
Que c’est triste !
—
J’ai raconté cette histoire à la pluie pour la faire pleurer.
—
Ce n’est pas très gentil de votre part, Monsieur le rosier.
—
Je devais faire diversion : la drôle de plante qui déteste la pluie me
menaçait avec un sécateur !
—
Que s’est-il passé, ensuite ?
—
Quand il a commencé à pleuvoir, la drôle de plante s’est mise à courir vers son
abri en béton. Puis, elle a trébuché et s’est retrouvée la tête la
première dans la grande ortie, là-bas.
—
Aïe !
—
C’est exactement ce qu’elle a dit. Ce qui signifie (vous le savez sans doute) « salut ! »
en anglais.
—
Voyons, Monsieur le rosier, elle s’est fait mal !
—
Mais non ! J’étais aussi surpris que vous, mais elle a eu un comportement
sans ambiguïté : elle s’est roulée par terre devant l’ortie de la même
façon que Médor se roule par terre quand elle rentre le soir.
—
Vous voulez dire qu’elle était… contente ?
—
Oui. J’ai bien vu dans ses yeux l’enthousiasme des retrouvailles !
—
Elle connaissait l’ortie ?
—
Je mettrais mes fleurs à couper qu’il s’agit d’amies de longue date qui ne s’étaient
pas vues depuis longtemps !
Les
deux fourmis sont dubitatives.
—
Vraiment ? Et pourquoi la drôle de plante n’est-elle plus auprès de son amie
à présent ?
—
Il vient juste de s’arrêter de pleuvoir : vous allez voir, elle ne va pas tarder
à revenir.
—
Vous avez raison : la voilà ! Quel est cet engin qu’elle pousse ?
—
Un truc de fille, pour la coiffure. La pelouse en raffole, mais cela fait un
bruit infernal !
Les
deux fourmis se frottent les antennes, subjuguées.
—
Que c’est bien, que c’est beau ! L’ortie a les feuilles bien dégagées,
maintenant ! S’écrie l’une d’elles.
—
Et si on allait voir la drôle de plante ? Propose l’autre. On pourrait lui
demander de nous coiffer, nous aussi !
—
Très bonne idée ! Crois-tu qu’elle va nous comprendre quand on va lui dire :
« Aïe ! » ? Nous n’avons pas l’accent anglais, nous…
—
Allons plutôt lui mordre le bout des branches : je suis sûre qu’elle nous
saluera chaleureusement !
Vous êtes illustrateur et cette histoire vous inspire un dessin ? Envoyez-le moi par courriel, je le mettrai en ligne et vous laisserai avec plaisir un espace pour vous présenter dans la rubrique "Beaux crayons".
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