C’est
l’effervescence sur la poutre. Le bourdon tape dans ses pattes avec impatience.
—
Taisez-vous !
L’abeille,
la guêpe et le frelon continuent à bourdonner nerveusement ; il est
question d’un verre de sirop oublié sur la table de la cuisine.
—
Si ça continue, crie le bourdon, je confisque le goûter !
Il
désigne de l’aile un grain de sucre niché dans un trou de la poutre. Un silence
pesant s’abat sur la pièce.
—
Voilà qui est mieux ! On recommence ! J’ai dit qu’on attaquait en
miel majeur. Concentrez-vous !
La
chorale entonne un bourdonnement dissonant.
—
Arrêtez ! J’ai dit « miel majeur » ! Vous avez de la cire
dans les oreilles ou quoi !
Penauds,
l’abeille, la guêpe et le frelon baissent la tête.
—
C’est difficile de chanter en miel majeur, murmure timidement le frelon. On ne
pourrait pas commencer par sucre ou sirop majeur ?
—
Non ! S’écrie le bourdon en sautillant d’indignation.
—
Même pas en sucre de canne majeur ? Suggère doucement l’abeille.
—
Ou en sucre mineur ? Surenchérit la guêpe, pleine d’espoir.
—
Non, non et non ! Qu’est-ce que c’est que cette chorale de voix cassées !
La musique se mérite ! Nous ne chantons pas de la va-ri-é-té ici, nous œuvrons
pour l’ART ! Vous comprenez ?
Tout
le monde hoche la tête.
—
N’empêche… Un sirop majeur réussi vaut mieux qu’un miel majeur raté ! Marmonne
la guêpe.
—
A propos de sirop, je répète que c’est moi le premier qui ai vu le verre sur la
table de la cuisine, murmure le frelon.
—
Menteur ! C’est moi qui te l’ai montré ! S’exclame l’abeille.
Le
ton monte devant le bourdon qui, criant et trépignant, tente en vain de
rétablir le silence. Au paroxysme de l’énervement, il jette le grain de sucre
par la fenêtre entrouverte, ce qui a pour effet immédiat de calmer ses élèves
un bref instant. Mais bientôt, ils se précipitent dehors à la recherche du
précieux grain sans plus se soucier de lui.
Dépité,
le bourdon les regarde survoler avidement le jardin en se poussant, se
bousculant et se disputant.
—
Si tu n’avais pas fait d’histoire, nous serions en train de goûter à l’heure qu’il
est ! Tempête le frelon.
—
C’est toi qui a fait toute une histoire de ce verre de sirop que j’ai trouvé ! Riposte l’abeille.
—
Vous êtes tous les deux d’une mauvaise foi confondante ! C’est moi qui ai
parlé du sirop la première !
—
Menteuse !
—
Ce sirop m’appartient et je vais le boire !
Dans
un bourdonnement rageur, ils entrent d’un bloc dans la maison et jouent des
coudes jusqu’à la cuisine.
—
Il n’y a plus de sirop !
Au
fond du verre, le bourdon fredonne, les yeux mi-clos.
—
Finalement, murmure-t-il d’une voix pâteuse, ce n’est pas si mal, la variété…
Super !!! j'adooore ta plume Marine
RépondreSupprimer*Keren *
Merci, Keren ! J'aime quand mon écriture fait plaisir :-)
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