—
Qu’est-ce qui se passe ? Le texte n’apparaît plus à l’écran !
Le cloporte reste immobile sur le
clavier de l’ordinateur, bouche bée, puis bredouille :
—
Je ne sais pas… J’ai juste voulu modifier le titre…
La
sauterelle s’inquiète :
—
Comment faire pour retrouver le texte ? On ne peut pas inventer une
histoire de toutes pièces, l’animal à deux pattes s’apercevrait immédiatement
qu’on écrit à sa place !
—
Je ne sais pas…
La
sauterelle s’impatiente :
—
Tu ne te souviens pas de ce que racontait le texte ?
—
Il parlait de grève à la RATP et il racontait qu'il fallait prendre la voiture ; après, il y avait
un papillon sur la voiture….
—
Ca ne veut rien dire !
—
Je ne me rappelle pas bien… Peut-être s’agissait-il plutôt de rêve à la RATP,
d’une voiture et d’un papillon sur la toiture ?
—
La RATP ?
—
Oui, ou quelque chose qui y ressemble.
—
Cela doit être une abréviation. Voyons… R, comme…
—
Rêverie ?
—
Un rêve à la rêverie ? Non…Où peut-on rêver ?
—
Dans une rose ?
—
Des rêves à la rose ? Non, voyons… Où peut-on raconter un rêve ? Dans
une revue ?
—
Dans une revue ? Pourquoi raconter un rêve dans une revue ?
—
Et pourquoi pas ? Imaginons un rêve raconté dans une revue qui parle de
papillons…
—
Pourquoi de papillons ?
—
Parce qu’après, l’histoire parle d’un papillon !
—
… et d’une voiture.
—
Il y a le « p » de « papillons », dans RATP !
Le
cloporte paraît dubitatif.
—
Tu as une meilleure idée ? Réplique la sauterelle, sur la défensive.
—
Pas vraiment.
—
Donc imaginons que j’ai raison. A quoi correspondrait le « A » dans
RATP ? Voyons… S’il s’agit d’une revue qui concerne les papillons et qui
raconte leurs rêves, peut-être s’agit-il de la revue amoureuse des papillons…
Le
cloporte ne dit rien.
—
Tu penses que je suis subjective ?
—
Je ne sais pas.
La
sauterelle s’énerve.
—
Tu ne m’aides pas ! Imaginons que j’ai raison. Trouvons ce qui se cache
derrière le « T » de RATP.
—
Trois ?
—
Revue amoureuse des trois papillons ? Ca ne veut rien dire !
—
Terribles ?
—
Pourquoi, « terribles » ? Les papillons ne sont pas
terribles ! Ils sont beaux, gentils, intelligents, extraordinaires,
éblouissants, époustouflants, adorables… et quand ils sont amoureux, ils sont
t…, t…
—
Tristes ?
—
Revue amoureuse des tristes papillons ? Non, cela ne sonne pas bien !
—
Téméraires ?
—
Mais non, ils ne sont pas téméraires ! Ils sont… j’y suis ! Ils sont
timides ! Ils n’osent pas avouer leur flamme à l’élue de leur cœur. Ce
sont de grands timides, de grandes âmes frissonnantes qui se cachent derrière
le double rideau rouge et jaune de leurs ailes fébriles.
Le
cloporte regarde avec intérêt la sauterelle, qui se défend :
—
Tu ne peux pas savoir ! Tu ne le… les connais pas !
—
Et la toiture ?
—
Quelle toiture ?
—
Celle de l’histoire ! Rappelle-toi : il y a des rêves à la RATP et un
papillon sur la toiture.
—
Bon sang ! Il s’agit d’un lieu de rendez-vous ! Débrouille-toi pour
écrire seul le texte, j’ai quelque chose à faire !
Elle
bondit avant que le cloporte ait pu dire ouf.
—
Et la voiture ? Lui crie-t-il alors qu’elle atteint les escaliers qui
montent au grenier. Il était aussi question d’une voiture…
—
On s’en fiche, de la voiture ! C’est une histoire d’animal à deux pattes,
sans queue ni tête, comme d’habitude !
Elle
franchit les marches quatre par quatre, avise le velux du grenier, prend son
élan, saute de toutes ses forces. Le cloporte entend un bruit mat et la voit
retomber, assommée par le velux fermé.
Devant
la fenêtre du rez-de-chaussée virevolte nonchalamment un papillon rouge et
jaune ; il se pose sur une fleur, bombe le torse et joue au joli cœur
devant une chenille un peu déconcertée.
—
Je me disais bien que le papillon ne faisait plaisir à personne, dans
l’histoire, marmonne le cloporte.
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