Rien ne semblait avoir réellement changé… Le portail
était ouvert, le chemin de gravier serpentait dans un fouillis végétal et la
porte de la maison n’était pas verrouillée. Dans le vestibule, la lumière
s’alluma dès qu’Elisabeth posa le pied sur le seuil et à l’entrée du salon, le
lierre tombant du linteau s’emmêla dans sa chevelure blonde. Elle fit deux pas
et se trouva nez-à-nez avec José. Il avait la barbe rasée et le teint frais, et
la toisait d’un regard immobile. Elle eut un mouvement de recul : c’est
bien toi, José ? Devant son silence, une pensée effroyable lui traversa
l’esprit.
—
Bonjour, Elisabeth !
A
l’autre bout de la pièce se tenait José, le vrai José, avec sa barbe hirsute et
ses yeux pétillants.
—
Un ami de Grévin a réalisé ma statue en cire pour se moquer de ma
« lubie », comme il l’appelle.
Elle
se mit à rire de soulagement : et dire qu’elle avait cru un instant qu’il
s’agissait d’un clone !
—
Je passais par là et j’étais curieuse de savoir où tu en étais…
Elle
pensa très fort : … et si tu avais changé !
Il
donna quelques nouvelles d’un ton posé : tout allait bien, la vie suivait
son cours. Et elle ?
Une
ombre passa devant la fenêtre. Une autruche dans le jardin ? Il sourit,
amusé : c’était une pintade, sa
dernière création. Une petite manipulation génétique lui avait permis d’atteindre
un mètre cinquante. Elle était plutôt réussie, non ? Elisabeth haussa les
épaules : s’il s’en tenait aux pintades… Et puis si cet oiseau était là,
c’est que les dinosaures n’avaient
pas encore colonisé le jardin, contrairement à ce que José imaginait quelques
années auparavant, le nez dans ses fossiles.
—
Un scientifique digne de ce nom n’abandonne jamais ses projets, lança-t-il
sèchement, comme s’il l’avait entendu réfléchir.
Il
sembla regretter son agressivité ; il tendit la main et caressa ses
cheveux, mais elle le repoussa.
—
J’étais juste de passage, José. Rien n’a changé.
Il
plissa le front et fourra ses poings dans ses poches. Elle le reconnaissait
bien : gentil garçon, méchant scientifique. Doux et attentionné quand il
ne travaillait pas, amoral et dangereux quand il œuvrait au projet de sa
vie : le clonage. M. Jekyll et Docteur Hyde ! Un jour, elle n’avait
plus supporté cette dualité et elle
était partie. Deux années avaient passé et à présent, elle comprenait plus
clairement encore qu’elle devait abandonner José à ses délires scientifiques,
cette fois-ci définitivement.
José
ne tenta pas de la retenir : il savait que ce serait vain. Debout au
milieu du salon, il entendit les pneus crisser sur le gravier et dépasser le
portail. Il sortit dans le jardin, le cœur un peu brouillé. Derrière une solide
barrière, la pintade couvait un œuf énorme. Finalement, la vie n’était pas si
triste : il allait réaliser ses derniers rêves très prochainement. Et
puis, il ne pouvait se permettre d’accorder un instant aux soucis d’ordre
personnel : l’œuf allait éclore et il aurait besoin d’aide pour construire
l’enclos à dinosaure.
Il
descendit en sifflotant dans la cave. Tandis qu’il repoussait derrière lui la
porte blindée, quatre ombres serviles s’approchèrent comme un seul homme et lui
lancèrent le même regard de leur visage identique : son visage à lui.
—
Au travail, mes agneaux ! Exulta-t-il, en tirant de sa poche un long
cheveu d’or.
Ce texte a été publié sur le forum Maux d'auteurs, qui organise régulièrement des jeux d'écriture de petites nouvelles.
Ce texte est destiné à des adultes qui peuvent aussi apprécier les beaux dessins. N'hésitez donc pas à me proposer une illustration ; je vous laisserai avec plaisir un espace pour vous présenter dans la rubrique "beaux crayons" !
Ce texte est destiné à des adultes qui peuvent aussi apprécier les beaux dessins. N'hésitez donc pas à me proposer une illustration ; je vous laisserai avec plaisir un espace pour vous présenter dans la rubrique "beaux crayons" !
très très sympa :)
RépondreSupprimercourte nouvelle où il y a une suite ?
Merci, Marco ! :-) Il s'agit d'une courte nouvelle, mais je réfléchis à organiser un petit jeu pour sa suite, mais il me faut quelques participants... L'idée étant que les lecteurs racontent en quelques mots ce qu'ils imaginent être la suite. Donc, merci à tous les lecteurs intéressés de me faire signe ici. Il ne s'agit pas d'écrire une suite, mais de donner vos idées.
RépondreSupprimerSi j'ai quelques versions, je tenterai de faire une suite... qui exclura vos idées.
Ca peut être drôle, non ? ;-)
Petit rappel : inutile d'être inscrit sur ce blog pour poster un commentaire. Il suffit d'indiquer un nom ou "anonyme", et votre message atterrit dans ma BAL avant d'être publié.
RépondreSupprimerÇa ne marche pas ? Ce sont des choses qui arrivent aussi aux meilleurs... Vous pouvez toujours me joindre sur mon mail ou sur Facebook. Vous trouverez un onglet "Contact" en haut de cette page.
Elisabeth, jalouse, tente de se substituer au clône trop parfait :)
RépondreSupprimerWhaouuu ! Mr Marco Valdi bravo pour cette belle idée !
RépondreSupprimerJ'ai bien compris qu'il y avait du clone blond dans l'air mais je n'avais pas songer à cela bravo !
Marine je n'ai pas de meilleure idée pour l'instant :-(
Encore quelques jours pour éventuellement trouver une autre idée, Keren ;-)
RépondreSupprimer